DROIT ET FISCALITE PAR EMILE MBANDJI

DROIT ET FISCALITE  PAR EMILE MBANDJI

Droit du commerce international : Les garanties des opérations du commerce international

LES GARANTIES DES OPERATIONS DU COMMERCE INTERNATIONAL

 

Section I : Le crédit documentaire

 

C'est un moyen de paiement et de garantie pour le vendeur. Normalement le paiement s'effectue au moment de la livraison. Dans le commerce international le vendeur ne livre pas lui-même mais expédie les marchandises par l'intermédiaire du transporteur. Il se trouve dessaisi des biens, contraint d'attendre pendant le transport, sans être sûr d'être payé par l'acheteur qui habite un pays lointain.
Pour éviter ces inconvénients la pratique a inventé le crédit-documentaire. Le paiement sera assuré par un banquier dès que le vendeur lui présente certains documents prouvant l'expédition des marchandises conformément à celles commandées par l'acheteur. C'est l'acheteur qui donne au banquier l'ordre de payer le vendeur contre la remise de documents.

Ce banquier après avoir payé le vendeur a un recours contre l'acheteur: "règles et usances uniformes relatives au crédit documentaire". Elles ont été codifiées pour la première fois en 1933 par la CCI. Ces règles s'imposent aux parties si elles ne les ont pas écartées. Leur violation donne lieu à un pourvoi en cassation. Elles ont une valeur supérieure aux usages.

Sous-section I:L'ouverture du crédit documentaire

Le crédit est ouvert dans un accord intervenu entre l'acheteur et son banquier en exécution d'une clause prévue dans le contrat de vente.

Le banquier qui ouvre le crédit en informe le vendeur par l'intermédiaire de son correspondant. Il peut même s'engager personnellement envers le vendeur. Dans ces cas les relations entre le banquier et le vendeur bénéficiaire du crédit seront indépendantes de celles nées du contrat de vente et du contrat de crédit.

  • A) Le contrat de vente

Il comporte une promesse d'ouverture de crédit. L'acheteur promet au vendeur d'obtenir l'engagement d'une banque de payer, d'accepter ou d'escompter une lettre de change. Le contrat de vente fixe les modalités de crédit (le montant, la date de validité, les documents exigés ).La violation de la promesse entraine la résiliation de la vente.

  • B) L'ouverture du crédit

a)Les instructions de l'acheteur
L'acheteur donneur d'ordre donne des instructions à son banquier qui est appelé banque émettrice. L'acheteur donne l'ordre d'ouvrir un crédit au bénéfice du vendeur en précisant la nature des documents qui doivent être remis par le vendeur à la banque. En contrepartie de l'ouverture du crédit, l'acheteur s'engage à rembourser la banque des sommes versées au vendeur, à payer une commission, à donner des garanties.

b) Emission de l'accréditif
La banque adresse une lettre de crédit dénommée accréditif, au vendeur soit directement soit par l'intermédiaire d'une banque située dans le pays du vendeur.

  1. Contenu de l'accréditif

La lettre de crédit informe le vendeur qu'il bénéficie d'un crédit (sous forme de paiement, d'acceptation ou d'escompte ou d'une lettre de change) en contrepartie de la remise des documents déterminés. La lettre précise la nature révocable ou irrévocable de la nature du crédit.

Dans le crédit révocable, la banque ne prend aucun engagement personnel envers le vendeur. La banque se borne à informer ce dernier de l'ouverture du crédit. Elle peut donc révoquer le crédit sur instruction de l'acheteur (en cas d'inexécution ou mauvaise exécution du marché). Il peut également révoquer comme dans toute ouverture de crédit en cas de survenance d'événements susceptibles d'altérer la confiance de la banque:
--> Insolvabilité de l'acheteur.
--> Non paiement de la Commission.

La révocation suppose un motif légitime sinon la banque engage sa responsabilité. Dans le crédit irrévocable, la banque rajoute à son engagement envers l'acheteur. Le droit du vendeur bénéficiaire devient ainsi indépendant des relations existantes entre la banque et le donneur d'ordre. La banque ne peut opposer au vendeur des exceptions qu'elle peut opposer à l'acheteur (elle ne peut révoquer le crédit en cas d'insolvabilité, de décès ou de la faillite de l'acheteur).Le droit du bénéficiaire devient indépendant des relations existant entre le vendeur et l'acheteur. La banque ne saurait invoquer pour échapper à son engagement l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat de vente du moment que les documents présentés sont conformes à ceux indiqués dans l'accréditif. Le caractère autonome du crédit irrévocable, l'inopposabilité des exceptions font que le crédit documentaire est non seulement un moyen de paiement mais aussi de garantie. Le seul cas où la banque peut refuser d'exécuter c'est en cas de fraude.

  1. Le rôle de la banque intermédiaire

La banque intermédiaire correspondante de la banque émettrice  après avoir vérifié l'authenticité apparente de la lettre de crédit joue l'un des deux rôles suivants:

--> Elle peut ne pas confirmer le crédit: elle joue le rôle d'un simple guichet agissant pour le compte de la banque émettrice. Elle notifie la lettre de crédit au vendeur et le paye.

-->Lorsque le crédit est irrévocable la banque intermédiaire peut confirmer le crédit en s'engageant personnellement et directement envers le vendeur qui bénéficie ainsi de deux engagements bancaires.

 

 

Sous-section II : Acceptation du crédit

Le crédit documentaire consiste dans un paiement (ou acceptation d'une lettre de change) contre une remise de documents conformes aux instructions de l'acheteur. les documents vont circuler, le paiement une fois effectué permet l'ouverture d'un recours.

 A) Circulation des documents

Le vendeur remet les marchandises après les avoir assurées au transporteur qui délivre un titre de transport. Le vendeur remet ce titre accompagné d'autres documents au banquier qui les vérifie avant de les régler.

  • o a) Nature des documents

Certains documents attestent la bonne exécution. Les documents comportent:
--Un titre d'expédition (lettre de voiture, récépissé postal ou aérien).
--Une police ou un certificat d'assurance.
-- Une facture qui mentionne les marchandises, le prix et le coût de transport.
-- Un certificat sanitaire d'inspection ou de qualité ou d'origine.

D'autres documents représentent la marchandise: Il s'agit du connaissement maritime qui est un titre noble transmissible par endossement. Ces documents doivent être présentés dans le délai de validité du crédit. La banque vérifie la conformité apparente des documents avec ceux indiqués dans la lettre de crédit. La vérification porte sur les documents (tous les documents). La banque contrôle les documents à l'exclusion des marchandises et des services. Elle vérifie la conformité des documents à ceux demandé pas l'acheteur. La banque veille à ce qu'aucun des documents demandés ne manque. Mais il ne lui appartient pas d'exiger la présentation d'un document non demandé. Le contrôle de la banque est externe. Elle vérifie la régularité apparente des documents. Elle doit écarter les documents dont l'irrégularité est grossière, manifeste. La banque n'assure aucune responsabilité quant à l'exactitude des documents et ne garantit pas l'authenticité des documents.

  • o b) Le paiement et le recours

1) Le paiement
Si les documents sont irréguliers la banque les rejette.
S'ils sont conformes, la banque paye le vendeur ou accepte une lettre de change tirée sur elle, ou escompte lettre de change tirée par le vendeur sur l'acheteur. 
-Si l'irrégularité du document est minime, la banque ne peut pas les rejeter au risque de troubler les relations vendeur/acheteur. Mais elle ne peut pas les accepter purement et simplement, sinon elle perd tout droit de recours contre le vendeur. Si l'acheteur refuse de lever (accepter) les documents la banque accepte donc les documents avec réserve ce qui lui permettra de se retourner contre le vendeur en cas de refus de l'acheteur de les accepter.

2) Le recours
Après avoir payé le vendeur, la banque intermédiaire transmet les documents à la banque émettrice, celle-ci la règle.
Si la banque émettrice estime que les documents ne sont pas conformes, elle doit en donner un avis motivé à la banque que les lui a transmis. A défaut de cela, elle est tenue de rembourser, malgré l'irrégularité. La banque émettrice ayant réglé la banque intermédiaire transmet les documents à l'acheteur qui le rembourse, sinon la banque émettrice conserve grâce aux documents en sa possession un droit de gage sur la marchandise. L'acheteur ayant réglé la banque émettrice remet les documents au transporteur et prend livraison des marchandises.

 

Section II : La garantie à première demande

 

C'est une création de la pratique, plus récente que le crédit documentaire. Tandis que le crédit documentaire profit au vendeur; la garantie à première demande bénéficie à l'acheteur et au maître d'ouvrage.

Le cocontractant étranger veut avoir la certitude que l'entreprise française tiendra parole et exécute correctement ses engagements.

Elle réclame à cette entreprise des garanties:
-->Garantie de soumission pour inciter l'entreprise à donner suite à son offre.
-->Garantie de restitution d'acompte en cas d'interruption du marché.
-->Garantie de bonne exécution ou de bonne fin.

Ces trois garanties données d'abord sous forme de dépôt de fonds auprès de la banque de l'acheteur ou auprès de la banque du maître d'ouvrage.

En cas de défaillance de l'exportateur ou de l'entrepreneur le bénéficiaire pouvait saisir ces fonds. Le dépôt de garantie très sécurisant pour le bénéficiaire: l'immobilisation des liquidités importantes au détriment de l'entrepreneur. C'est pourquoi le dépôt de fond est remplacé par la garantie à première demande. Le vendeur ou l'entrepreneur (donneur d'ordre) sollicite de sa banque (garante) de s'engager (par une lettre de garantie) envers son cocontractant étranger (le bénéficiaire) à payer une certaine somme d'argent à la première demande de ce dernier, sans avoir à examiner le bien fondé de cette demande, sans avoir à vérifier que si la demande est légitime, justifiée ou pas. La banque de l'entrepreneur peut jouer le rôle de contre garant. Elle paiera alors à première demande de la banque de l'acheteur qui assure le rôle de garant.

Ce type de garantie surprenant au premier abord repose sur deux principes généraux du droit: l'autonomie de la volonté et le bonne foi.

Sous-section I:La garantie a première demande et autonomie de la volonté

La garantie à première demande a un double caractère: autonome et automatique, il s'explique par l'autonomie de la volonté c'est à dire par la liberté conventionnelle.

  • A) Caractère autonome de la garantie

La garant ne s'oblige pas sans cause, cependant le garant s'engage à ne pas faire état de la cause, à ne soulever aucun contentieux (aucune difficulté) aussi longtemps que la situation réelle ne soit pas établie d'une manière incontestable. La cause de l'engagement du garant ne réside pas dans les relations entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire (le vendeur ou l'entrepreneur d'un côté ou le donneur d'ordre et le bénéficiaire de l'autre).Cette cause se trouve dans les relations entre la banque et le donneur d'ordre. La banque s'engage envers le bénéficiaire parce qu'elle est rémunérée. Elle sera remboursée par le donneur d'ordre.

--La garantie à première demande n'en n'est pas moins indépendante de ses relations. La banque ne peut invoquer la perte de confiance en son client pour refuser de payer son bénéficiaire. Comme dans certains types de crédit documentaire la banque prend un engagement direct et irrévocable envers le bénéficiaire. Le refus de payer risque d'entamer sa réputation dans les milieux du commerce international.

--A plus forte raison le banquier ne saurait faire valoir les exceptions tirées des relations entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire. La garantie à première demande est indépendante, distincte du contrat de base. La prétendue nullité du contrat de vente ou d'entreprise est sans influence sur l'engagement du banquier d'où l'originalité de la garantie à première demande par rapport au cautionnement:

--> La caution paye la dette d'autrui. Le garant paye une somme d'argent au bénéficiaire qui peut se révéler être non créancier.

--> Le cautionnement a un caractère accessoire. La caution peut opposer au créancier les exceptions tirées de la nullité ou de l'extinction de la dette. La garantie à une première intervient à titre principal (comme dans le cautionnement de la dette de l'incapable).

--> Selon certains auteurs le cautionnement n'échappe pas à l'attraction du contrat de base. La caution peut se voire attraire devant un arbitre en vertu d'une clause d'arbitrage stipulée dans le contrat de base.

Pour la garantie en première demande, une telle clause ne s'impose pas au garant si elle n'a pas été prévue dans le contrat.

  • B) Caractère automatique de la garantie

La garantie à première demande est destinée à assurer une sécurité absolue comme le dépôt de garantie. Le bénéfice ne souhaite pas supporter les aléas d'un litige. Il veut être indemnisé sur le champ du fait qu'un résultat n'a pas été atteint même si sa créance n'est pas certaine ou est l'objet d'une contestation.

>L'esprit de la garantie est de payer "ad-nutum". Le banquier doit payer le bénéficiaire à première réquisition sans tenir compte de l'interdiction de l'objection ou de l'opposition du donneur d'ordre, son client. La garantie joue automatiquement quand elle est stipulée à première demande pure et simple et dans certaines garanties documentaires.

-Il convient distinguer trois types de garanties:

a)La garantie à première demande pure et simple
C'est la plus fréquente quoique déconseillée par la CCI.

b) La garantie justifiée
Le bénéficiaire peut être tenu de faire une déclaration circonstanciée de sa réclamation mais il n'est pas tenu d'établir le bien fondé de ces griefs.

c) Garantie documentaire
Elle est considérée comme une garantie à première demande si le document exigé consistait dans la remise des pièces probatoires. La garantie documentaire cesse d'être automatique et se transforme en cautionnement (sûreté accessoire) si le document prévu est une sentence arbitrale ou un jugement.
Ce cas mis à part, il existe une limite au caractère automatique de la garantie à première demande: la bonne foi.

Sous-section II : La garantie de la première demande et bonne foie

Comme le crédit-documentaire, la garantie de première demande cesse en cas de fraude manifeste. On se demande si l'automaticité de la garantie ne s'arrête pas devant les exigences de l'O.P internationale.

  • A) La fraude manifeste

La garantie implique une renonciation à invoquer la situation réelle (avec ces exceptions éventuelles) tant que dure la contestation.
Une fois que la dispute a disparue, une fois le doute dissipé, la garantie ne joue plus, la demande sera alors manifestement abusive.

a) Cas où la demande n'est pas abusive
Il n'y a pas de demande abusive en cas de nullité même gravissime du contrat de base si cette nullité est simplement alléguée. La faute du bénéficiaire (ex: JP: ne pas indiquer un transitaire chargé d'effectuer le transport) n'est pas de nature à paralyser la garantie. La force majeure, cause de l'inexécution, ne justifie pas l'interdiction fait par le donneur d'ordre au banquier de payer le bénéficiaire.

b) Cas où la demande est abusive
La demande est abusive en cas de fraude manifeste évidente. Il en est ainsi lorsque la nullité du contrat est établie par une sentence arbitrale ou un jugement définitif, ou lorsque l'exécution par la présentation d'un certificat de douane, ou par la remise d'un connaissement à la banque confirmatrice qui a consenti la garantie.

B ) L'ordre public international

La garantie sera refusée lorsqu'elle concerne des contrats contraires aux bonnes mœurs et à l'O.P international (ex: la traite des blanches ou les contrats sur les drogues).
Les affaires iraniennes sont également citées comme exemple de la mauvaise foi du bénéficiaire. La révolution islamique ayant, l'interruption du marché avec les occidentaux, les partenaires iraniens ont appelés les banques françaises en garantie. La chance de récupérer les sommes importantes étaient nulles. Aussi la jurisprudence française a-t-elle permis aux exportateurs de bloquer la garantie pour se protéger contre ces demandes extravagantes.

 

 



14/12/2011
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